« Je n’arrive pas à croire que tu sois en retard un jour comme aujourd’hui ! » piailla Fern à l’oreille de Debra, en laissant s’échapper d’excitation quelques menus postillons qui vinrent se loger sur le col de sa blouse. La jeune femme fit la moue et se retourna vers un groupe d’ouvrières adossées aux battants de fer forgé de la lourde porte de l’U.S. Radium Corporation.
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Une Ford T flambant neuve à la carrosserie rutilante et aux jantes en bois vernis sortit de la ruelle gravillonnée derrière l’usine pour venir se garer devant le trio hilare. Sans interrompre leurs gloussements, Debra, Fern et Vivian reculèrent de quelques pas pour laisser passer le contremaître tout en se donnant des coups de coude.
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Debra plissa les yeux pour apercevoir le fond de la salle. Uniquement éclairé par de petites lampes à gaz disposées sur les tables, le Morriston baignait dans une semi-pénombre. On distinguait mal le détail des festons sculptés dans les colonnades de l’entrée et les subtilités Art Déco des fresques murales ; seule une imposante enseigne indigo au nom du restaurant, empanachée de fanions à étoiles, se détachait distinctement dans l’obscurité. L’établissement, tenu par un couple d’immigrés arcadiens débarqués du Péloponnèse en 1890, avait troqué au fil du temps son agencement modeste pour un décorum plus audacieux.
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Encore ivre de rires et de fumées, elle s’assoit sur un muret pour attendre la voiture supposée la ramener à son nid. Les bras croisés sur une longue cape, le téléphone enserré dans l’une de ses mains blanches, elle renverse la tête vers le ciel à la recherche de la Croix du Nord. Le froid la berce vers la réalité. La voix lactée estivale est déjà si loin. Deneb même évite les regards à cette heure du soir. Que la ville est belle, noyée par les ombres. Un bruit soudain lui fait dresser la gorge. Le corps tendu de sens en alerte, la jeune femme scrute la nuit. Le moindre coup de vent semble sonner le tambour entre les battements de son cœur.
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